Nous avons développé des études sur les mécanismes évolutifs à l’origine des nouvelles maladies sur des plantes (naturelles ou cultures) causées par des champignons, en utilisant diverses approches. Dans un premier temps, des modélisations mathématiques ont démontré la possibilité d’un mécanisme évolutif jusque-là inconnu permettant la formation rapide de nouvelles espèces de pathogènes sur de nouveaux hôtes : notre modèle a montré que le cycle de vie des champignons qui se reproduisent dans leur hôte facilite grandement l’adaptation, la spécialisation et la divergence génétique. Des analyses comparatives réalisées ensuite par l’équipe ont confirmé que les champignons se reproduisant dans leur plante hôte se diversifient plus facilement par adaptation sur de nouveaux hôtes, sans avoir besoin de mettre en place un isolement reproducteur spécifique. Le suivi sur plusieurs années d’une population d’un champignon pathogène responsable de la tavelure du pommier, ayant contourné récemment une résistance de pommiers cultivés, a encore davantage corroboré l’existence et l’importance de ce mécanisme de changement d’hôte. Ce suivi a en effet montré que, comme prédit par le modèle, le fait de se croiser dans les feuilles de son hôte facilitait l’adaptation et la différenciation de chaque population de pathogène sur son hôte, et permettait bien l’émergence rapide de nouveaux pathogènes sur de nouveaux hôtes.

Des études phylogénétiques et des études comparatives menées par l’équipe ont montré d’autre part que les pathogènes se diversifient principalement en changeant d’hôte et non par co-divergence, c’est-à-dire une diversification en suivant celle de ses hôtes, comme il avait pourtant longtemps été admis. Un autre aspect des recherches sur l’émergence de nouvelles maladies a consisté à réaliser des expériences sur le groupe de champignons pathogènes Microbotryum, génétiquement proches mais spécialisés sur des plantes différentes. Des croisements expérimentaux ont permis de révéler des espèces cryptiques et de montrer que les incompatibilités génétiques entre espèces, responsables de l’isolement reproducteur, évoluaient linéairement avec la distance génétique et étaient principalement dues à des différences de caryotypes, et non pas à des incompatibilités entre allèles, comme il est plus souvent admis.

Nous avons également séquencé plusieurs génomes du champignon M. lychnidis-dioicae parasitant des plantes dans des régions plus ou moins contaminées autour de Chernobyl et étudié la fréquence de la maladie, la capacité des spores à germer et à pousser. Nous n’avons trouvé aucune trace de mutations délétères dans les génomes ou de baisse de viabilité qui seraient corrélées avec le taux de radiation, sans doute parce que les pigments rouges du champignon protègent contre les radiations. De fait, de nombreux champignons à pigments sont très résistants et peuvent pousser près du réacteur endommagé. Par contre, la fréquence de la maladie diminuait avec le taux de radiation, sans doute parce que l’abondance des pollinisateurs, qui transportent les spores du champignon, diminuait avec l’augmentation des radiations, car ils y sont très sensibles.